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Abus de la liberté d'expression

« Nous sommes tous des collaborateurs, comme disait Pierre Laval ! » : un abus de liberté d’expression sanctionné par l’employeur et la Cour de cassation

Sauf abus, chaque salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression (cass. soc. 14 décembre 1999, n° 97-41995, BC V n° 488). C’est bien souvent ce « sauf abus » qui est à l’origine de contentieux montrant qu’on ne peut pas tout dire, ainsi que l’illustre encore une affaire jugée par la Cour de cassation le 6 octobre 2016.

Les faits se sont déroulés dans l’univers mutualiste, après le regroupement de trois mutuelles militaires au sein d’une nouvelle structure unique (UNEO).

Un salarié, « responsable de la cellule d’audit internet auprès de la direction générale », a été sollicité pour intervenir lors d’une convention de la nouvelle organisation, laquelle faisait l’objet d’une répétition quelques jours avant.

C’est lors de cette répétition, qui réunissait l’ensemble des cadres dirigeants, des intervenants de la convention, y compris des personnes extérieures (cabinet de conseil en communication, journaliste devant animer la convention), que le problème s’est posé. On notera que le discours n’a pas été lu par le salarié lui-même (il était en formation), mais par un autre salarié, après que l’auteur des lignes en cause a confirmé sans réserve la validité du texte proposé.

Voulant sans doute faire preuve d’esprit, le salarié avait écrit la phrase suivante dans le texte dont il savait qu’il serait lu lors de la répétition réunissant les membres de la mutuelle : « vous l’avez bien compris, en tant que collaborateur, vous avez un rôle essentiel dans la démarche, et nous sommes tous des collaborateurs, comme disait si bien LAVAL ! ».

Après cette intervention, le salarié a été licencié. En substance, l’employeur estimait que le texte de l’allocution et plus particulièrement sa conclusion, qui faisaient explicitement référence à la période historique de la collaboration, étaient contraires aux « valeurs de l’entreprise et à l’éthique attendue de tout cadre dirigeant du groupe » et insistaient au contraire « sur des orientations socio-politiques déplacées et particulièrement choquantes au regard des fondements humains et des valeurs du monde mutualiste et de notre entreprise ».

La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond, qui avaient pu décider que ces propos, compte tenu de l’environnement de travail, constituaient un abus de la liberté d’expression du salarié donnant une cause réelle et sérieuse à son licenciement.

Cass. soc. 6 octobre 2016, n° 15-19588 D

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